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4.24.2014

NI CESAR NI ALEXANDRE ...








Il n'était ni César ni Alexandre. On prétend qu'il naquit d'une vierge et que cette fille-mère avait été prévenue de son arrivée. Il aurait appris le métier de charpentier, mais à l'âge d'homme il se lança sur les routes et se mit à parler. Le monde n'a jamais manqué de bavards ni de prophètes. Mais ils répètent ce que l'on sait : que la vie est brève, la jeunesse étourdie, la vieillesse un naufrage... Qu'une hirondelle ne fait pas le printemps et qu'il n'y a pas loin de la douleur au plaisir. Voilà justement ce que nous n'aimons pas entendre et que nous savons cependant sans nous rendre à l'école car il suffit de naître pour avoir de la peine ... 

Celui-là fut d'une autre trempe. Il eut tant pitié de ses semblables et les trouva si stupides qu'il choisit de leur raconter les plus extraordinaires sornettes de tous les temps. Il dit qu'il venait du ciel pour remettre les compteurs à zéro, que son père avait accepté sa métamorphose et pour prouver aux hommes qu'il ne parlait jamais pour ne rien dire il ajouta qu'il mourrait comme eux et qu'après trois jours de linceul il reprendrait ses esprits. Il s'arrangea pour excéder les notables et les instruits en racontant des histoires inadmissibles où les riches ne risquaient pas plus de passer par le trou d'une aiguille que d'accéder à la vie éternelle, alors que les pauvres et les simples raflaient toutes les mises... Passe encore de promettre la lune à qui n'avait rien, mais il fréquentait des prostituées et s'entourait de désoeuvrés. On raconte qu'il fut capable de changer de l'eau en vin, de ressusciter des morts et de remplir d'énormes corbeilles de pain et de poisson le dos tourné... Mais le pire fut qu'il pria les maîtres et les esclaves de s'aimer les uns les autres... Un tel mépris des réalités le conduisit à la potence. On le couronna d'épines, on lui cracha à la gueule, on le fit "Roi des Juifs" en l'affublant d'un manteau ridicule. Puis il dut gravir une colline en portant une croix sous les quolibets, comme le dernier des derniers. On le cloua sur ses bouts de bois jusqu'à ce qu'il meure convaincu de son impuissance... L'histoire aurait pu s'arrêter là mais son cadavre disparut trois jours après : quelques bonnes âmes crurent à sa résurrection, quelques autres eurent des visions et tous ceux qu'il avait enseignés se lancèrent à travers l'Empire pour répéter ses paroles, dire qu'il avait pris sur son dos l'abomination des hommes et qu'ils étaient libres de tenter leur chance pour une vie meilleure... On raconta tant de choses sur son compte que les bibliothèques suffirent à peine, que les empereurs furent obligés de baiser les pieds de ses héritiers, de leur construire des palais, d'y brûler des parfums, d'avouer que sur un trône céleste gardé par les anges, il rendrait la justice à la fin des temps, vêtu de soie et d'or, terrible avec les méchants et juste avec les justes...

Tel fut le plus extraordinaire menteur de tous les temps, croyant à ses mensonges et dévoué corps et âme à ceux qu'il prenait pour ses créatures, convaincu de leur cruauté, de leur orgueil sans limite, de l'extrême légèreté de leur conscience et de leur mémoire... Il joua tous les rôles, sautant sur les genoux de sa mère, redoutable dans la discussion, faisant des miracles, soumis au fouet et torturé à mort... Son numéro ne s'arrête pas là puisque son cadavre s'évanouit du tombeau et que de temps à autre il se montre aux âmes de bonne volonté... Il est sur toutes les routes, à tous les carrefours où se croisent les hommes, n'en finissant jamais d'avoir réussi son coup, penché sur le côté de sa plaie, plus humain que tout le monde car abreuvé d'injures , plus dieu que jamais car cible de tous les diables... On pique-nique sous la croix, on y  apporte des fromages et des saucisses, on y boit des vins ambrés et on y guette les reins des pécheresses... tranquille à cause de l'Autre, qui donna son corps à manger et à boire.....



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