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4.24.2014

EN FAMILLE ....








L'oeuvre des hommes est une vague imitation de celle des dieux. Par exemple nous faisons pousser des courges sur du fumier. A l'âge d'or, il suffisait de tendre la main pour cueillir les fruits de la Terre, nous n'étions ni nombreux ni pressés... Y-eut-il un âge d'or ? Rien ne le prouve... Mais il faut quelques beaux mensonges... Les pères nobles, les saintes femmes, les bergères et les princes charmants nous protègent de nos démons, comme les épousailles nous protègent des orphelinats... Contre les loups nous avons inventé le feu et la famille pour faire pièce aux embuscades et aux mauvaises rencontres... Puisque les sexes vont par paires, autant que ce soit à domicile ... D'autre part les pauvres bougres ne sont pas fainéants : quand la technologie le permet, ils se battent. Les forgerons furent accoucheurs de Noblesse car les épées permirent aux féroces de capturer des épouses et de soumettre les tranquilles... Les rois, premiers entre les égaux, surent aussi s'entourer d'hommes de plume et d'hommes de lois. Car les encriers sont à la longue aussi efficaces que les hallebardes et parce que l'argent qui fait le bonheur des états, permet de forger des canons, d'équiper des vaisseaux et d'entretenir des ambassadeurs... Mais un jour les plumes se mirent à courir sur des cahiers de doléances réclamant la fin des impôts et des réquisitions militaires. Pour tordre le cou des bons à rien on coupa celui des têtes royales, on doubla les taxes et on rassembla des millions de paysans sur les champs de bataille de l'Europe... 

Les humbles purent enfin voyager de Madrid à la Moscovie, porter d'autres habits que ceux du dimanche et chanter " ça ira!" sur des routes jadis fréquentées par Mozart et Casanova. Les enfants du peuple avaient échangé 200 000 parasites à particule contre deux fois plus  de fonctionnaires chargés de faire appliquer la "volonté générale", celle des bureaucrates, préfets, ministres, colonels, inspecteurs de police, receveurs des contributions , directeurs des beaux-arts et autres bras du Pouvoir... Romanciers et poètes, les plus sensibles aux changements de saison, surent dans ce monde neuf composer les chants les plus beaux et les plus désespérés... 

On n'arrête pas les progrès du Politique, aussi nerveux que les machines et les explosions urbaines. Mon grand-père naquit en 1864, au temps de l'impératrice Eugénie et avant le canal de Suez, il mourut en 1945, année zéro de l'Europe, de l'atome et de la civilisation... Il est probable que je verrai le gulf-stram prendre des vacances, la moitié des français saluer des patrons chinois ... l'autre moitié perdre l'entière  mémoire de nos grandeurs... On ne peut guère s'échapper de son temps et si Rome n'est plus dans Rome, il ne sert à rien d'empiler des lois pour interdire l'amnésie, de distribuer des langues de bois pour chanter que "Tout va très bien..." Mais il y a mille façons de se moquer du temps, il suffit de commencer en famille...

NI CESAR NI ALEXANDRE ...








Il n'était ni César ni Alexandre. On prétend qu'il naquit d'une vierge et que cette fille-mère avait été prévenue de son arrivée. Il aurait appris le métier de charpentier, mais à l'âge d'homme il se lança sur les routes et se mit à parler. Le monde n'a jamais manqué de bavards ni de prophètes. Mais ils répètent ce que l'on sait : que la vie est brève, la jeunesse étourdie, la vieillesse un naufrage... Qu'une hirondelle ne fait pas le printemps et qu'il n'y a pas loin de la douleur au plaisir. Voilà justement ce que nous n'aimons pas entendre et que nous savons cependant sans nous rendre à l'école car il suffit de naître pour avoir de la peine ... 

Celui-là fut d'une autre trempe. Il eut tant pitié de ses semblables et les trouva si stupides qu'il choisit de leur raconter les plus extraordinaires sornettes de tous les temps. Il dit qu'il venait du ciel pour remettre les compteurs à zéro, que son père avait accepté sa métamorphose et pour prouver aux hommes qu'il ne parlait jamais pour ne rien dire il ajouta qu'il mourrait comme eux et qu'après trois jours de linceul il reprendrait ses esprits. Il s'arrangea pour excéder les notables et les instruits en racontant des histoires inadmissibles où les riches ne risquaient pas plus de passer par le trou d'une aiguille que d'accéder à la vie éternelle, alors que les pauvres et les simples raflaient toutes les mises... Passe encore de promettre la lune à qui n'avait rien, mais il fréquentait des prostituées et s'entourait de désoeuvrés. On raconte qu'il fut capable de changer de l'eau en vin, de ressusciter des morts et de remplir d'énormes corbeilles de pain et de poisson le dos tourné... Mais le pire fut qu'il pria les maîtres et les esclaves de s'aimer les uns les autres... Un tel mépris des réalités le conduisit à la potence. On le couronna d'épines, on lui cracha à la gueule, on le fit "Roi des Juifs" en l'affublant d'un manteau ridicule. Puis il dut gravir une colline en portant une croix sous les quolibets, comme le dernier des derniers. On le cloua sur ses bouts de bois jusqu'à ce qu'il meure convaincu de son impuissance... L'histoire aurait pu s'arrêter là mais son cadavre disparut trois jours après : quelques bonnes âmes crurent à sa résurrection, quelques autres eurent des visions et tous ceux qu'il avait enseignés se lancèrent à travers l'Empire pour répéter ses paroles, dire qu'il avait pris sur son dos l'abomination des hommes et qu'ils étaient libres de tenter leur chance pour une vie meilleure... On raconta tant de choses sur son compte que les bibliothèques suffirent à peine, que les empereurs furent obligés de baiser les pieds de ses héritiers, de leur construire des palais, d'y brûler des parfums, d'avouer que sur un trône céleste gardé par les anges, il rendrait la justice à la fin des temps, vêtu de soie et d'or, terrible avec les méchants et juste avec les justes...

Tel fut le plus extraordinaire menteur de tous les temps, croyant à ses mensonges et dévoué corps et âme à ceux qu'il prenait pour ses créatures, convaincu de leur cruauté, de leur orgueil sans limite, de l'extrême légèreté de leur conscience et de leur mémoire... Il joua tous les rôles, sautant sur les genoux de sa mère, redoutable dans la discussion, faisant des miracles, soumis au fouet et torturé à mort... Son numéro ne s'arrête pas là puisque son cadavre s'évanouit du tombeau et que de temps à autre il se montre aux âmes de bonne volonté... Il est sur toutes les routes, à tous les carrefours où se croisent les hommes, n'en finissant jamais d'avoir réussi son coup, penché sur le côté de sa plaie, plus humain que tout le monde car abreuvé d'injures , plus dieu que jamais car cible de tous les diables... On pique-nique sous la croix, on y  apporte des fromages et des saucisses, on y boit des vins ambrés et on y guette les reins des pécheresses... tranquille à cause de l'Autre, qui donna son corps à manger et à boire.....



PRINTEMPS ....






DES JARDINS ....







.........................................Les jardins durent plus longtemps que leurs jardiniers. On se promène à Versailles, les nymphéas de Monet flottent toujours sur les étangs de Giverny. Il n'y a pas de village sans jardin, ni de grand homme loin des squares. Qu'est-ce que cela veut dire? A Babylone ils étaient suspendus, furent des merveilles du monde. L'Homme raconte qu'il naquit dans un jardin, qu'il s'y réveilla près de la première femme. Ils y goûtèrent aux fruits amers de la connaissance, ayant parlé au Diable et choisi de quitter l'enfance... Ils en furent chassés comme des malpropres par un névrosé. Il y eut d'autres jardins extraordinaires comme celui de la Dame à la licorne ou ceux de Jean de Berry dans les Très riches Heures... Les Humanistes déclinèrent du grec et du latin dans l'Hortus Quadratus des aventures de la Renaissance. Se multiplièrent les labyrinthes sous les châteaux, propices aux baisés volés. On y vécut ce que vivent les roses, on y donna de l'épée, on y récita des vers et on y soulagea les ventres fatigués ... La Nature fut ainsi amicale, habitée de nymphes et de cortèges  pour Cythère, complice des divinités et des hommes.
Les jardins d'aujourd'hui nous ressemblent, plus doués pour le spectacle que pour la méditation. On y convoque les signes de notre compréhension des choses, on s'y donne rendez-vous pour dire son amour de la planète et de la société... On les peuple parfois d'objets révolus comme si les mondes passés rassuraient davantage... Nos cruautés restent aux portes  et n'y entrent que nos bonnes parts plus un peu de drogue, de seringues et de nostalgie... Il n'est pas dit que nous sommes humbles dans les jardins, moins fous, plus charitables ou plus heureux, mais nous les aimons parce que lieux supposés d'enfance et de repos, dévoués aux corps, modèles réduits d'un agencement désirable du monde......


4.14.2014

LES JOURS ....




Les empereurs de Rome avaient les pieds sur Terre et un sixième sens de la Politique. "Je sens que je deviens dieu" dit à la veille de sa mort Titus Vespasianus, qui remplit les caisses de l'Etat en taxant les pissotières, sources intarissables. "Ai-je bien joué la comédie de la vie ?..." demandait Octave Auguste qui avait raflé l'Orient et l'Egypte de Cléopâtre, perdu trois légions en Germanie, fondé l'Empire et engendré des filles impossibles. "Quel artiste périt!" gémit Néron, le poignard sur la gorge, qui avait chanté l'incendie de Troie sur les terrasses du Palatin devant un brasier de la Ville éternelle, livré les chrétiens aux bêtes, parcouru la Grèce avec une cithare en char et costume d'Apollon... On ne peut pas en dire autant de Louis XVI dont la tête roula dans le panier des droits de l'Homme, tenu aux anses par des citoyens vertueux.
Il y a des vies longues et courtes. Le manège tourne. On grimpe. Un monsieur ou une jeune fille font gigoter un pompon. Si on se lève au bon moment, on l'attrape pour gagner un tour. Faire des tours et des tours, c'est la vie mais tous les manèges ne sont pas équipés de pompons. La ronde présage de sa fin. Pour les enfants ce n'est pas grave car le monsieur qui est aux commandes a le sourire. La Terre ne fait que des tours, nous ne le savons pas depuis longtemps et la moitié des hommes croient que le Soleil tourne autour d'eux comme la roue du Destin. Les étoiles ont la cote depuis que des rois mages ont suivi celle de Bethléem jusqu'à une étable. Le manège des grandes personnes les entoure. L'enfance , l'amour et la mort y jouent les trois temps de la valse. Le reste n'est que décor, clins d'oeil et petits signes. C'est une valse étourdissante où les aveugles voient des mirages, où le pompon fait curieusement gagner de la solitude et du silence...
Nos étoiles ne sont plus chamaniques, nos astrologues gravissent des montagnes de mathématiques, traversent des mers de philosophie, entassent des mégatonnes de livres et de disques durs... Les fruits de la connaissance nous ont virés du paradis terrestre : nos amours sont enfants de Caïn et nos plaisirs ne s'éloignent jamais de notre nombril. L'histoire de nos bonheurs tient sur quelques timbres-poste. Nous sommes abusés par nos foules, réduits à de pauvres chimères: les peuples élus, les vertus citoyennes et les profits planétaires... Deux siècles de progrès techniques, de chants d'amour et de liberté n'ont empêché ni les avions de chasse, ni les tanks, chambres à gaz et feux nucléaires ... Nous avons converti les armes chimiques en produits phytosanitaires, nous vivons dans une soupe de molécules cuite par des sorciers amis des banques ... nous trafiquons les gènes et le sport... Nos innocents sont aussi dangereux que nos traîtres, nous tournons en boucle dans le diaporama des blancs rateliers de "stars", des vulves poilues ou sans poils, des pines en l'air sous des abdominaux en tablettes de chocolat... des têtes de mort dans les métros et les médias... L'affaire semble jouée, définitive : 1 pour cent de Goldman S... ou l'équivalent en guise de créateurs, 9 pour cent d'instruits pour relayer  les décisions et les exécuter, 90 pour cent de "consommateurs-citoyens" qui marchent au sifflet des médias, n'ont rien à comprendre et pas grand chose à faire, alourdis de cul, d'alcool et de dope... Car les clones ont du coeur, c'est connu, des sentiments, des petites faiblesses... Ils sont aussi vulnérables, à la merci d'un accident de laboratoire...  Tel pourrait-être le lendemain qui chante . L'écart des savoirs est en accélération constante... Suit l'exponentielle obésité de la " Communication", les marées d'images et crues de phrases creuses. L'épouvante naîtra d'un arrêt de la machine à tourner en rond, puis de la faim et de la soif... Nous aurons des vierges cannibales.