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6.29.2013

MOUETTES ...














Les mouettes ne se moquent de rien. 
Rieuses ou sérieuses, elles se posent à leur avantage, insouciantes du décor et seulement obsédées de températures et de boustifailles. Le sexe les travaille quand l'exige le calendrier, l'amour ne les effleure que de l'extrémité de la plume, on ne sait même pas si l'émotion les gagne quand leurs oeufs viennent au monde. Elles s'assoient dessus, les chauffent le temps qu'il faut pour que de l'intérieur un nouveau bec perce la coquille, s'ouvre démesurément, réclame son dû, s'agite et se referme sur des filets de poisson, morceaux de déchets, merdes de chat et toutes sortes de félicités pour oisillons. Lesquels prennent de l'assurance, avalent plus et plus vite, se couvrent de duvet puis prennent des rémiges. 
Un jour elles remuent les ailes face aux vents, s'avancent au bord du berceau, miment un départ puis un autre et par hasard ou nécessité se lancent. Les courants d'air les soulèvent, puis leur petite cervelle leur donne le sens de l'équilibre, les avertit du haut et du bas, des vitesses à atteindre et des efforts à faire.... 
Elles se joignent à la bande pour le survol des poubelles, des plages et des marées... Elles s'imitent, se refilent leurs désirs invariables et suivent leurs pentes génétiques. Leur espèce, leur territoire, leur horloge interne sont toute la science dont elles disposent, ayant oublié qu'elles étaient dinosaures en des siècles fort lointains que des palmes leur sont venues au pied... L'avenir n'est pas plus leur affaire que le bonheur, elles s'accommodent de l'état du monde, insensibles aux angoisses humaines, indifférentes aux arts et aux crimes, surveillent les chats et vogue la galère... 
Qu'ils pêchent en sabot sur des barques de chêne ou que leurs filles montrent leurs pelages et rondeurs sur des chaises longues, les hommes sont à leur place sous le bec des mouettes, transitoires , mauvais joueurs et mauvais perdants aux jeux de la grâce et des lois naturelles. Ils passeront comme passent les feuilles, aussi mortels et menteurs que Dieu les fit, sauf exceptions raconteurs d'histoires et bricoleurs de lendemains.




6.28.2013

SOUS LE SOLEIL ...




Le Soleil est indifférent, ne s'occupe de personne et ne préfère rien. 
Les étoiles proches ou lointaines font bouillir leur marmite sans se soucier de vapeurs ni d' éclaboussures. Des singes doués pour la marche, l'art du bâton et du lancer de caillou, finirent un jour par se trouver une âme en contemplant leur visage dans les flaques d'eau. Ces expatriés des savanes avaient aussi de bonnes langues et le gosier ventilé. Ils comprirent qu'en se servant de leurs oreilles ils pouvaient siffler des sons utiles aux chasseurs ou agréables aux filles. Leur goût pour le jeu de cache-cache, les caresses et les cris d'amour fut largement responsable de leur prolifération sur Terre, de la construction des villages des palais et des temples.

Il n'est pas facile de vivre en bandes et de se protéger des coups durs. 
Ces primates supérieurs étaient assez intelligents pour imaginer que d'autres singes vivaient derrière les montagnes ou sur la berge opposée des fleuves. Quelques mâles et femelles travaillés par l'angoisse firent des rêves incompréhensibles ou des cauchemars effrayants. Certains volaient comme des hirondelles pendant leur sommeil, allaient jusqu'aux nuages et se prenaient d'une sensation de légèreté et de vitesse. Cette extase du mouvement les préparait à d'autres extases, comme de voir des ennemis redoutables se tordre dans leurs boyaux dévidés... Mais de toutes les extases, la plus universelle se cachait dans  l'infini des rapports de sexe avec le harem des chefs ou la troupe des chasseurs... Les vulves et les verges de ces bêtes devinrent ainsi de plus en plus fréquentées et une malice de la sélection naturelle les pourvut de disproportions quels que soient les mois et les jours. Ces animaux finirent par avoir des visions en dehors du sommeil. Des cumulo-nimbus avaient de temps en temps des profils d'athlètes ou les contours arrondis de femelles expérimentées. Les amours de pleine Lune , les étoiles filantes, l'aube et le crépuscule faisaient regarder le ciel et une nuit pas comme les autres, un de ces singes vit le reflet de la voie lactée dans les yeux de ses compagnes. Il rassembla tout ce qu'il pouvait de syllabes, montra les étoiles du doigt, fit un geste vers son entourage qui semblait dire qu'entre le ciel et la tribu il y avait des complicités. Ses descendants construisirent des tours pour voir les astres de plus près. 
Chaque fois qu'ils en redescendaient la foule se mettait à genoux pour les entendre et demandait des nouvelles de l'avenir. La pêche sera-t-elle bonne , les plaisirs suffisants et les couples durables ?... Quelques uns de ces mages, capables de faire la différence entre le cercle et le carré, de compter et de chanter en faisant des rimes enseignèrent que des dieux se mêlaient du beau temps et de la pluie. Que parmi les hommes ils avaient des favoris, qu'ils étaient sensibles au bonheur des humbles et qu'ils confiaient aux astres le destin des êtres vivants. Ceux qui avaient du flair se mirent alors à dresser les chiens.



6.26.2013

POULET....





Les sciences et les techniques nous changent plus vite que l'amour du prochain... Personne ne sait si nous sommes devenus ridicules ou fantastiques, les témoins sont morts. 
Il se passe beaucoup de choses depuis la machine à vapeur et nos trouvailles sont stupéfiantes... Le nombre des cervelles s'est multiplié par dix, nous vivons deux fois plus longtemps et nous sommes tellement riches que nous dépensons des fortunes pour maigrir... Entre le canon Krupp et le voyage autour de Saturne nous avons de la peine à comprendre pourquoi nous sommes si forts... On parle de ressusciter les mammouths, d'apprendre l'anglais aux chimpanzés, de dresser les moustiques à sonner l'alarme... 
Ce coq, par exemple, chantait " Plaisir d'amour ne dure qu'un moment..." chaque fois qu'il passait devant un micro ou quelque chose de ressemblant... C'était un drôle d'animal : il s'arrangeait pour ne plus avoir les pieds sur terre,  s'occupait surtout de ses apparences, mangeait sucré, buvait des sodas, ne lisait pas, ne s'intéressait à personne et dénigrait la basse-cour sous prétexte que les canards, les dindes et les oies ne savaient pas chanter... Il perdait toute sa dignité en se jetant sur sa pâtée et se battait avec les autres pour chaparder leur gamelle . Il ne supportait pas les poules à plumes noires et se moquait cruellement des histoires que les lapines, les souris ou les hirondelles racontaient à leurs petits. Il disait que les graines sont faites pour être mangées, que les fleurs servent à faire des graines, les arbres à donner de l'ombre, le vent à remuer son panache et le soleil à lui rougir la crête...
De toutes ses manies, la plus étonnante consistait à se gaver de champignons et de mousses hallucinogènes. Il prenait des cuites régulières sous prétexte que le monde manquait de vastitude. Un jour, il terrorisa les lapins en hurlant qu'on devrait les exterminer parce qu'ils étaient incapables de pondre un oeuf. Une fois, au coucher du soleil, il grimpa sur un piquet le dos à la lumière, écarta les ailes et hurla qu'il était l'Occident... Ce fou avait ses entrées chez les hommes à l'heure de l'apéritif, histoire de ramasser des morceaux de chips et d'écouter ce qu'ils se disaient. Ces dieux le faisaient chanter et le faisaient boire, il repartait en fin de soirée en se croisant les pattes, tentait de marcher droit jusqu'à l'escabeau qui servait de perchoir les jours de fiesta. Il s'endormait en grommelant des morceaux de phrases... 
En mars de l'année dernière une renarde lui fit son affaire au petit matin :  il n'était pas monté plus haut que la première marche et dans un demi sommeil baragouinait avec le hoquet " La terre n'est qu'un support..."

6.25.2013

GARGOUILLE ....





Faute de certitudes, je trouve des réalités accessibles et des vérités temporaires. Apollon s'est logé dans les pots d'échappement, son char et ses chevaux ont été récupérés chez Airbus. L'azur des poètes bronze les filles. Les livres font rire les élites scolaires. Les cartes postales suffisent aux romantiques et les agences de voyage aux fuyards. Des musiques d'ascenseur mènent au ciel... Montaigne recyclé en bande dessinée, Che Guevara sur les lessives, l'Empire enfin redevenu barbare, l'Afrique prend le métro et TF1 soigne les mourants ...  Ainsi commence le siècle du réchauffement général et du sauvetage de la planète... Les sabots d'Hélène ne sont plus crottés, les saints  ont des têtes de victimes, le teint de pêche n'est  plus à la mode... La Beauté se venge des maîtres d'école, mange du couscous et des burgers . Les déménageurs ne roulent plus de caporal, les abdominaux sont blacks et beurs... Sur les tapis rouges des mannequins époustouflants et mondialisés remuent leurs aspérités en se faisant des queues de poisson. Bref, les nuages sont des traînées d'avions et au petit matin les médias tartinent le réveil des humbles. Les heures sont rapides, comme le sont les vérités portatives et les escapades à Marrakech... 
Quel bonheur de ne rendre hommage ni à Dieu ni à Diable, de prendre ce qui passe en se jurant chaque jour  que c'est la dernière fois... 
Ainsi font les marionnettes... Nul doute qu'en fin de course, le Sénat de Rome, privé d'Empire et de Peuple Romain, mangeait ses figues et se bombardait de noyaux de cerises... attentif à la cuisse des jeunes garçons et peu soucieux des orages.

6.23.2013

FAIRE SON CHEMIN ...










Il n'est pas toujours facile de faire son chemin dans la vie. Hommes et femmes voués les uns aux autres par la grâce ou la ruse, cherchent sur les trottoirs des villes le goût et l'arrière-goût du temps. Avec un peu d'argent ils s'offrent des boissons, des places de parking et de cinéma. Dans les vitrines ils trouvent de quoi se déguiser en humains. Si la saison est belle ils font marcher leur imagination, rêvent de repas exotiques, s'engouffrent le soir dans les pizzerias, se confient les uns aux autres, échangent des larmes de rire, s'embrassent sous la lune, et font l'amour si l'enchantement perdure... On dit qu'ils s'amusent, qu'ils font les fous...
Je crois plutôt qu'ils sont sages. Quand ils seront des feuilles mortes, le vent leur dira de belles histoires. Ils auront contre leur visage, les yeux brillants et la peau nacrée de leurs folies. 







6.21.2013

HISTOIRE D'AMOUR ....






Le signor Capitano et mademoiselle Martin se rencontrèrent au cinéma. C'était en 1935 ou 1936, On projetait "Les Temps Modernes" pour la première fois à Paris. Le public de cette époque n'était pas très exigeant, mais comme le dit tout haut la demoiselle à la guichetière : " Pour ce prix là on pourrait avoir du parlant!..." Capitano fit le galant homme, dit que c'était bien vrai et proposa qu'on prenne quelque chose au café d'en face. C'était la séance de l'après-midi, on était en juin, il y avait dans l'air une espèce de gaité. Le film les avait fait rire, en particulier les scènes du cabaret quand charlot promène son canard dans la foule et qu'il chante. Elle prit un air sérieux, tourna la cuiller à petite vitesse dans sa tasse de chocolat. Elle venait d'avoir trente ans. Cela ne se voyait pas parce qu'elle faisait très attention à la nourriture, qu'elle marchait beaucoup et qu'elle se couchait tous les soirs avant neuf heures. Elle n'avait personne dans sa vie. Son père était mort aux Dardanelles. Sa mère s'était remariée avec le paysan d'à côté, un vieux garçon qui avait surtout le mérite de travailler dur. Son existence bascula quand un jour de mars la directrice du pensionnat vint la chercher dans la classe de monsieur Lhote et lui transmit d'épouvantables nouvelles au sujet de ses parents : le train de Lourdes avait déraillé, leur wagon s'était pulvérisé contre la pile d'un pont. C'était un wagon en bois d'avant-guerre. On avait retrouvé des cadavres percés comme des pelotes d'épingles... 
Capitano fit le joli coeur, raconta qu'il était orphelin, qu'il avait gagné des courses cyclistes en Italie et que les fascistes de San Tomaso l'avaient forcé à quelques sales coups. Il dit que les chemises noires n'avaient rien dans le citron et qu'il s'était sauvé en France pour mener une vie normale. Il travaillait chez un maçon de Clichy et s'était spécialisé dans les crépis à la chaux. ." Vous savez, mademoiselle , la chaux c'est ce qu'il y a de mieux pour la santé des murs et des habitants... Je vous assure qu'il n'y a jamais d'humidité ..." 
Vers six heures elle dit qu'elle devait rentrer, il régla au comptoir et l'accompagna jusqu'au coin de la rue Chabert. "A bientôt, peut-être pour le prochain film ?..." ..Elle ne dit ni oui ni non, fit un sourire et s'en alla sans se presser. Capitano se retourna une fois ou deux, jeta un coup d'oeil sur les murs de brique et les nuages. 
Un concours de circonstances fit qu'il ne remit jamais les pieds dans ce quartier. En quarante il s'engagea dans la Légion étrangère. On lui apprit à conduire des chenillettes et il sauta sur une mine près de Soissons. On lui fit tant bien que mal une prothèse du larynx, il perdit un oeil.  Les gendarmes le livrèrent aux italiens, puis il fut jugé et fusillé.

L'AGE D'OR ....






L'enfance est l'âge d'or de l'humanité.
Ma mère nous ramenait de la plage ou du jardin public sales et tranquilles. Vers 1948-50, il fallait faire de l'eau chaude pour nettoyer sa nichée. Elle mettait en route avec de l'alcool à brûler un engin qui s'appelait "Primus", qui marchait aux vapeurs de pétrole sous pression avec un piston comme les vieilles lampes à souder... Une grande casserole d'eau frémissait sur cet instrument dangereux qui incendia bien des maisons marocaines... Elle nous déshabillait, on montait dans une bassine où le dosage des températures variait en fonction des heures de retour et de la préparation du repas du soir...Nous étions frottés comme des cochons de charcutier, rincés en vitesse, essuyés aussi vite... Le moment le plus agréable c'était quand elle nous passait un gant de toilette imbibé d'eau de cologne et qu'elle nous prenait sur ses genoux pour le nettoyage attentif des oreilles avec une allumette entourée de coton. On se sauvait en pyjama avec la consigne de rester tranquille et de prendre un livre... Le soir tombait sur des odeurs de soupe aux vermicelles et quelquefois j'étais réquisitionné pour secouer la salade dans la cour... Nous étions au lit vers huit heures, nous lisions jusqu'à ce que mon père vienne nous dire bonsoir...Il nous regardait bien en face, nous posait la main et nous embrassait sur le front avec un petit mot pour chacun... et s'en allait.

Alors commençaient des aventures inoubliables. Le fils du connétable de Bourbon prisonnier des pirates d'Alger, vendu à la Reine d'Ethiopie, parvenu aux Indes, maharadjah dont les descendants règnent encore... Montcalm héroïque sous les murs de Québec contre le général Wolfe, Alain Gerbault sur le Firecrest, les Mongols de la Bannière Bleue, le capitaine Achab lancé à la poursuite de la Baleine Blanche, les gardes écossais de Louis XI... Le capitaine Corcoran et sa tigresse contre les anglais... Les grandes chasses d'autrefois, les quarante mille livres sterling de Phileas Fog, le canon de Barbicane, les Dames de Palestine à la cour de Richard... Les images, les noms étranges, les îles mystérieuses, les trafics de Zanzibar tendaient des chaînes d'or sur les pays de l'imaginaire...

Un jour naquit d'une peinture ombrienne une personne qui allait et venait entre la grâce et la mémoire.



6.19.2013

L'ART BRUT SAUVE ...







En Occident vivent encore de très vieilles figures. 
L'eau bénite, les croix sur les chemins, les exorcismes répétés depuis quinze siècles, les bûchers, les écoles et les polices n'ont pas arraché la Préhistoire de nos colonnes vertébrales. Des cervelles qui échappent aux aciers inoxydables de l'économie de masse, de l'éducation de masse et de la distraction de masse, ont gardé le contact avec nos vieilles racines... Elles font remonter de nos moelles, cervelets et bulbes rachidiens des aptitudes à la vie que nous ne soupçonnions plus.
 
Car nous sommes usés par toutes les batailles que nous avons livrées pour confisquer le monde et la nature. Nous avons conjugué être et avoir à trop de modes et trop de temps... Les climats nous échappent, l'eau va nous coûter cher, nos enfants sont des fardeaux si précieux que nous les faisons faire par de vieilles filles et de vieux garçons,  au besoin par des étrangers de passage... Nos vierges ne risquent plus la visite d'un archange. Mais dans notre bouillie de fatigues et de bonnes intentions les signes d'un monde meilleur remontent en surface comme des bouchons dans une casserole.
Un peu de terre, quelques cailloux, deux ou trois couleurs suffisent à des individus tranquilles pour que reviennent les génies et les déesses qui regardent des mêmes yeux, rient du même rire et s'incarnent du même corps que les ancêtres de bronze ou d'argile qui présidaient aux noces et aux funérailles des peuples dont nous avons oublié la langue. Car au temps où les bêtes parlaient, les hommes savaient les entendre et parlaient avec les forêts, les volcans et les sources fraîches. C'était le règne de Saturne, l'âge d'or, les hommes vivaient dans l'innocence, la terre produisait elle-même toutes les commodités de la vie. On était mangé quand on ne mangeait plus. Mais puisque des gros malins voulurent manger plus longtemps que les autres et que l'injustice devint une nécessité de la vie, Saturne se rendit en Italie pour enseigner l'art de l'agriculture, car la Terre scandalisée de la conduite des hommes, refusait de donner des fruits. Vint l'âge d'argent. L'âge d'Airain commença quand les hommes devinrent  plus injustes et cruels, gourmands et libidineux... l'âge de fer fut enfin celui des crimes les plus horribles, la terre devenant stérile, les hommes ne s'occupant que de viols, de mensonges et de meurtres...

Peut-être qu'il suffirait de poser quelques questions à quelques unes de ces créatures qui remontent en surface, pour connaître des mots et des formules qui rendraient la Terre serviable et les hommes capables de conversation. 



VOIR AILLEURS ....




Tourne-toi de ce côté là. Débarrasse-toi. Laisse tomber les fleurs en plastique. Ta Marianne a des varices, des boutons sur le nez. C'est la marquise de juin 1940 au bord de la nationale 7 :" Je me donne à qui m'emmène..." On ne s'y reconnaît plus. La vieille est gâteuse, fait trop de lois, lance trop de réclamations, s'en prend aux chiens et aux chats des voisins... Elle pourrit ses petits enfants: ils ne savent plus lire ni écrire,  se moquent du monde dès qu'elle a le dos tourné. On braille, on surcharge les poubelles, il y a des seringues qui traînent près des rosiers et des excréments de jeunes dans les ascenseurs. Un ministre passe des heures à dire que B et A font BA, des pédagogues que BLA BLA BLA est une science... Fin de règnes ou changement de siècle, c'est le moment de prendre l'air ... Soigne tes bagages, emmène tes dictionnaires, ton La Fontaine, ton "Voyage au bout de la nuit", tes portraits de famille et quelques photos de paysages, tu y retourneras dans les moments difficiles. Cultive de nouveaux jardins où passeront des hommes debout ...

6.18.2013

LA ROUE TOURNE ....










Quand les barbares secouèrent l'Empire, les écoles tinrent le choc et pour deux siècles encore il y eut en Gaule des grammairiens et des hellénistes qui connaissaient les subtilités de la rhétorique. La langue latine se tendait comme un élastique entre les élites et la foule rurale, devenue germaine au nord et restée latine au sud. Sidoine Apollinaire, bordelais, pouvait scander des vers près des ruisseaux à truites et tel évêque sermonner tel moine qui oubliait que le i de " potitur " est long. Mais au septième siècle les écoles et les villes disparurent comme s'évapore une gelée blanche au printemps et les riches propriétaires qui avaient aimé les livres, fuirent ce plaisir devenu solitaire pour ne s'occuper que de chasses et de meutes... 

L'élastique s'était tellement tendu entre les puristes et la masse des primaires, qu'il se rompit. Partirent en fumées les belles intonations, les élégies et les classiques... Quelques saints comme Isidore ou Grégoire, firent arranger sur parchemin des condensés de la vieille culture, puis se lancèrent dans la domestication des coeurs, seul moyen de prendre les cervelles... Ainsi furent congelées des subtilités que les bouches des vieilles barbes ne pouvaient fourrer dans les oreilles de rustres. Il fallut six siècles de patience pour qu'à la mort de Byzance et par la grâce des profits urbains et marchands, le luxe de l'esprit revînt à la mode... Ces vingt générations avaient été bruyantes de psaumes et d'exorcismes que les moines ruminaient en coupant des arbres... Elles ne devaient pas grand chose aux Muses. Comme il fallait craindre le monde et se tourner vers l'au-delà, des saints, des bienheureux et des hommes de bonne volonté inventèrent les trois vertus de la Foi, de l'Espérance et de la Charité. La première consistait à ne voir clair que dans l'Ancien et le Nouveau Testament, la deuxième conduisait sur la balance du jugement dernier et la troisième laissait aux pauvres une ligne de crédit qui permit d'honorer les mendiants et les pélerins. Les hommes de Dieu s'occupèrent de la Foi, des bons témoins et des miracles... Les guerriers entre deux rapines, s'occupaient de chansons interminables, protégeaient leurs forêts et laissaient des bouts de gras à des vassaux sur les tréteaux d'une table commune ... La masse des enfants de Dieu servait de bête de somme, faisait venir la vigne et le blé jusqu'au pressoir et au moulin des puissants. Les plus malins de ces humbles se prirent d'affection pour les chiffres : contre des soies orientales qu'ils allaient quérir avec du poivre et de la cannelle sur des mules ou des navires contre des coupes ciselées et serties. Ils sortaient de l'or des châteaux forts... Dans un monde si bien organisé, peu se mêlaient de Raison et de Littérature savante. Les normaux levaient les yeux au ciel, à l'affût des miracles et des signes... Puis ils les fermaient dans des chambres où les démons et les anges se battaient pour la capture des âmes...

Tant de vertus rendirent optimiste. Les forêts interminables cédèrent devant les herbages et les labours, les ermites prirent le chemin des villes. Les moines s'enfermèrent pour chanter les psaumes sous des voûtes de pierre, et les universités naquirent près des cathédrales. Puis des bombardes tonnèrent sur les champs de bataille et contre les remparts. La Raison plus forte que les miracles nourrissait mieux les hommes et déliait mieux les langues que les oraisons. On prouva en allant sur l'eau que la Terre était ronde. On en fit des mappemondes et de plus en plus de navires revinrent au port si chargés d'or, d'argent et d'aventures qu'on se reprit d'amour pour les livres, les grecs et les latins. "Je pense donc je suis" dit un soldat près d'un poêle, qui suivait une longue lignée de rats de bibliothèque honorés par les princes. C'est dans les livres qu'on expliqua que la Lune n'est pas une pomme et qu'elle ne risque pas de tomber sur les poètes. Ailleurs on écrivit que des marins avaient retrouvé le paradis terrestre dans le pacifique. Ailleurs que les flammes de l'Enfer n'étaient que des volcans, que les têtes couronnées méritaient d'être coupées. Puis il y eut les machines. Phileas Fogg en quatre-vingt jours et quarante mille livres sterling boucla le tour de la planète. Jules Ferry construisit des écoles pour que les fables d'Esope et de La Fontaine pénétrent dans les chaumières jusque sous les baobabs. Dans les années soixante du vingtième siècle on s'arrangea pour que toutes les mains sachent tenir des livres... Les universités et les écoles firent tant que chacun put conduire une automobile, examiner une notice de médicament et se payer la télévision. Puis il y eut de plus en plus de bruit sur les radios, d'écrans sous le nez des oisifs et de machines à distraire. Les livres pesaient de plus en plus lourd dans les camions des déménageurs et n'offraient guère de récompenses aux voyeurs de tous poils... Il est difficile de lire en tirant un coup sur sa banquette avec une femme libérée. On ne peut pas être au four et au moulin, séducteur et obscène... trop ami de la syntaxe et renifleur de charmes... Les lettrés une fois encore devront faire leurs bagages, remiser les penseurs sur des disques durs... 

Les grands sentiments, les éclairages fluo, les liftings des gueules et des photos, les stars endiablées dans les clips, les montages rapides, les sonos d'enfer, les ceintures à clous, les piercings inoxydables, les remuades sous les lasers, la coke, les interjections des poupées, les signes d'appartenance... les mille chaînes de la télécommande... La gravité du monde est repartie dans les forêts du béton, dans le gazole et le présent perpétuel... Il n'y aura plus que des gentils et des méchants là où il y avait des têtes et des jambes... Puis un jour quelques malins tireront des marrons des feux de l'enfer et derechef il y aura davantage à lire que de miracles à faire....

6.17.2013

APOLOGIE DU TROUBLE .....






.La Beauté trouble les sages... Ils se retiennent d'en jouir, de remercier le diable de ses tentations et d'en redemander chaque jour... Les ermites se roulent dans les ronces, les moines se donnent le fouet, les professeurs se déguisent en humains... Ces terrorisés se cramponnent à un livre et posent la main sur une tête de mort pour enrayer de funestes désirs. Ils séparent les esprits des corps. Autant dire qu'ils n'ont pas fini de traîner leurs pattes loin de Cythère. Ils mâchent de la transparence, pissent de la précaution et s'abreuvent de paroles sacrées ... Quand passent les cigognes de l'Art sur les fenêtres des musées, toutes ces vessies prennent des airs de lanternes...
La compagnie de nos foules a depuis longtemps remplacé la Nature. Qu'une illusion chasse l'autre n'est pas bien grave, mais à force de modéliser le Bonheur, de saucissonner les heures, de mettre toutes les frénésies en conserves et de visiter les paniers à linges sales, on a tourné en rond comme des confitures dans les bassines en cuivre. Nos menteurs croient à leurs mensonges et nous rendent invisibles à nous-mêmes. Les soumissions du regard et torsions de l'homme sont prétextes d'urgence et de vérité à tout faire... Nous sommes coincés comme des rats quand nos vies traînent dans nos labyrinthes, que nous chassons le fromage dans les couloirs du quotidien... La Beauté sert à relever les têtes, sidérer,  conjuguer des aller-retours sur le glissement des étoiles... nous ne sommes pas faits pour compter des grains de sable, casser les pierres des condamnés à perpète...

 C'est dire qu'il faut absolument mettre dans les métaphores des rondeurs, du sang , du saint , des courbes gourmandes et des lévitations ... Que le mépris des contingences atteigne des sommets, que trempés dans des flots de miroirs, les aventuriers finissent par ressembler aux statues et les filles d'Eve aux tableaux... Pour qu'échappés du bordel social, d'autres mortels sachant crever de froid en épiant la danseuse, chantent  une chanson  en guise de dernières paroles...
 
La Beauté n'est point marchande d'images pieuses ni fortune volée aux pauvres. C'est la seule illusion qui rende la vie supportable et talonne les démons. Nul n'a besoin d'artistes pour compter ses déboires et ruminer la triste affaire de ses pesanteurs et puanteurs... Nous savons tous qu' il faut vêtir le mal des couleurs de l'arc-en-ciel pour avoir une chance d'échapper aux haleines pourries et aux chicots des serviteurs des serviteurs du Bien. 
Il n'y a de vrai que le style, le reste est superflu,  putain de sort... Fays ce que voudras...


LA VERITE TOUTE CRUE .....







Des créatures sous le soleil prennent des formes, jouent de l'ombre et de la lumière comme si le jour et la nuit n'existaient plus, se donnent des volumes surprenants, accumulent les courbes et leurs contrepoints, ondulent au vent, s'ouvrent sous le ciel, laissent voir et frémir les parties les plus intimes de leur chair... Leurs apparences fort singulières se doublent de parfums sauvages ou savants qui attirent l'attention bien avant qu'on les respire. 
Cet exhibitionnisme a quelque chose de sacré quand il joue avec le nombre d'or, on ne sait quelle divine proportion si différente de nos symétries habituelles. On dirait que ces créatures sont à l'apogée de leur existence, que pas une de leurs cellules n'est en trop ou en moins, que le temps s'arrête et que l'espace vibre autour d'elles d'une musique qui les traverse et les copie. On sent qu'il faut s'en approcher, que nous sommes invités à une visite sans fin, que notre curiosité sera merveilleusement récompensée, qu'on nous réserve les meilleures places du spectacle... Nos ancêtres y furent attentifs bien avant de savoir compter et faire des phrases. 
Les néandertaliens aimaient les fleurs, ils en disposaient sur les morts. Cette complicité de la nature et des hommes est universelle depuis que nous avons le goût des métaphores. On se parfume et on s'habille... De miracle en miracle un singe devint Apollon et sa guenon se tint sur les eaux comme Vénus dans Botticelli. On essaie d'imaginer l'immense succession des regards nés chez  l'Australopithèque et arrivés sur les épaules de la Haute-Couture... On ne peut y voir que de divines interventions et force mythologies, car la Nature nous est aussi étrangère que les galaxies lointaines. Nous sommes encombrés de lunes et voyons dans les fleurs d'autres nous-mêmes, fort satisfaits de nos apparences et persuadés qu'une mère attentive veille sur nos plaisirs. Lucrèce et Virgile l'ont chantée à leur manière , Hippocrate la saluait bien bas et Rousseau qui n'y connaissait pas grand chose, versait des larmes rien que d'y penser.
La Beauté fut là où se débrouillait la vie avec adresse, visible dans les formes et les contours, saisissable comme une mélodie, passant les murailles et affolant les jours. Nous fûmes consolés de notre brièveté et de notre inachèvement. 

L'ignorance facilite les consolations. Pygmalion sans microscope ni géologie ni science dure,  ne trouva pas de limites à son désir. La foi des charbonniers remue des montagnes. La Beauté est ainsi plus certaine que l'absolue froideur et indifférence des astres. Casanova fit ses classes à Venise, les lords moururent ayant vu Naples et dans la course aux chefs-d'oeuvre on peignit les femmes en récitant Virgile... Les âmes ne se fâchaient pas de fréquenter les corps et la Beauté frissonnait dans les statues de Praxitèle et Canova... Mais des hommes pressés de tout savoir, bardés d'optique et de chimie s'approchèrent davantage des fleurs... La Beauté devint moderne les yeux posés sur les locomotives, extasiés sur les prouesses des canons Krupp... Les fleurs apparurent alors pour ce qu'elles étaient : des machines à capturer les mouches et féconder les plantes... La Beauté changeait de camp, les sourires de la Nature s'adressant aux premiers imbéciles venus et les figures se refermant dès que l'ovule a son compte... La fantaisie ne sera jamais de ce monde scolaire.  il n'y a de surprise divine que si l'on ferme les yeux et se trompe d'aventure et tant qu'à faire de vivre peu, sauvons des bergères... Les illusions rendent moins fou que la vérité toute crue...





6.15.2013

LE SOLEIL EST INDIFFERENT .....









Je commence mon soixante-huitième virage autour du Soleil. C'était un exploit vers l'an Mil et une demi-curiosité au début du vingtième siècle. Je me sens plutôt bien, je trouve encore du plaisir à zigzaguer sur une planète qui tourne devant son étoile comme un poulet dans une rôtissoire. J'ai un peu le vertige : j'ai tourné vingt cinq mille fois autour de l'axe des pôles, j'ai vu passer beaucoup de monde, entendu beaucoup de choses, fermé les yeux d'innombrables fois... quand je les ouvre, rien n'est tout à fait à la même place, je me trouve différent et j'ai peu de réponses aux questions qu'on me pose... C'est tout juste s'il m'arrive de remarquer que je suis un peu sourd et que ma vue ne s'arrange pas. J'aimerais comprendre ce qui se passe. Il m'arrive de rencontrer des gens sympathiques qui me prêtent des livres ou me donnent des adresses. Je fais de mon mieux pour ne rien oublier, mais à force de lire et de voir des gens, je finis par perdre d'un côté ce que je trouve de l'autre.






Quand j'étais enfant, les saisons avaient un air bien à elles, les chiens et les hommes savaient ce qu'ils devaient faire, les messieurs-dames étaient gentils... Le peu de mots que j'avais appris suffisait largement à tous mes besoins, je n'avais pas d'identité, j'étais au monde. Telles sont les bêtes qui nous entourent, qui profitent du Soleil et de la nuit à cent pour cent, qui font ce qu'elles ont à faire jusqu'aux minutes de stupéfaction où elles meurent. Quelque chose s'est détraqué dans ce bonheur interminable. De cervelle de lézard en cervelle de moineau, de musaraigne en ours brun, de primate en australopithèque, de la matière grise s'est ramassée en boule derrière des yeux, des oreilles et des langues... En marchant loin devant soi, cassant des pierres et surveillant les étoiles sont nées les grandes personnes et les grandes explications. J'entamais mon dixième tour quand à force de mots étranges et d'images pieuses on me mit dans la tête que je n'étais pas n'importe qui et qu'il ne fallait pas faire n'importe quoi.
On disait que le Soleil et la Terre étaient sans importance, que le monde était coincé entre l'Enfer et le Paradis, que les hommes n'étaient que poussières, corrompus et instables. Ces grains de sable étaient aussi des ingrats, c'est à peine s'ils savaient celui qui les avait fait et dont ils avaient crucifié le fils... Ils volaient, tuaient, désiraient les femmes des autres, mentaient, déshonoraient leurs pères et mères... Tels étaient les hommes de Jérusalem... Je préférais ceux de Rome et d'Athènes qui parlaient du monde avec plus de respect, vénérant le Soleil, rendant hommage à la Terre qu'ils recouvraient de statues.

Les grandes personnes que j'ai connues n'avaient hélas que des qualités, elles savaient tout faire et surtout faire la différence entre des braves gens qui leur ressemblaient et des crapules auxquelles elles ne ressemblaient pas. Elles avaient sur le monde des opinions frappées au coin du bon sens et je m'étonne encore qu'elles aient déclaré tant de guerres, perdu tant de batailles et commis tant d'erreurs sous le soleil. Leurs défaites avaient des excuses, leurs faiblesses des explications et leurs foutaises des raisons d'être. M'étant aperçu que sous les nombrils on ne trouvait ni religion ni raison, je me doutais que le plomb qu'elles avaient aux fesses empêchait ces grandes personnes d'en avoir dans la tête. Je ne m'étonne plus quand elles racontent n'importe quoi, par exemple que nous sommes le centre du monde, que nous sommes le chef-d'oeuvre de la Nature, que tout nous appartient et qu'il n'y a rien de plus intéressant que nous. Je ris tous les matins à ma toilette quand je me rappelle que je suis né bon... J'ai la vague impression que notre orgueil est illégitime, que nous sommes si cinglés qu'il n'y a plus autour de nous que ce qui tangue entre nos deux oreilles. Si un singe nous promettait le Bonheur, il est probable que nous nous mettrions en rang pour l'applaudir. Il ne reste plus qu'à nous organiser pour que nous choisissions notre mort comme notre voiture, une pizza ou un site de rencontres, inattentifs aux  aurores et dédaigneux des bêtes... "l'Humain", qui fut une invention remarquable, n'existe plus...

"Je sens que je deviens Dieu" dit en riant l'empereur de Rome sur son lit de mort, bouclant la boucle et convaincu de la générosité des hommes puisqu'il avait taxé les pissotières de la ville éternelle. Pour mettre un peu de piment dans nos rondes interminables à travers l'espace, en compagnie de fossiles et de milliards de cadavres, nous rêvons d'aller droit vers la gloire, débarrassés des sens giratoires et des obligations de tourner en rond que nous imposent le Soleil et la Terre. Dressés sur quatre ou cinq paragraphes de certitudes récupérées dans nos poubelles par les agences de publicité, soulevés par nos désirs, nous sommes parés pour être des dieux sur les écrans plasma.... Transparents, clonés, radieux qu'avec si peu de cervelle nous puissions échapper à l'enfance, nous débarrasser de l'amour et oublier la mort... 

Telle pourrait être la gloire des descendants de Caïn, génétiquement modifiés pour les besoins du Bonheur en kit et de l'éternelle Jeunesse... Liftés, n'ayant plus les pieds sur Terre, car ayant perdu la boule et gravitant autour d'une étoile indifférente, accompagnés d'insectes et de poissons chats...




6.14.2013

AUX INGENIEURS ! .....










37 + 18,5 = 55,5 mm de focale équivalent 24x36 , pour le MIR-1B monté sur un Pentax numérique, fermeture à 8, la profondeur de champ calée à 5,6, soit de 2 mètres cinquante à l'infini. Le paysage passe dans un système physique où des inconnus mêlent des courbes à des équations. La lumière étant ce qu'ils croient, l'oeil étant ce qu'on peut en savoir, le nerf optique et le cerveau des uns ressemblant peu ou prou à celui des autres, les ingénieurs se mettent d'accord sur ce qu'on doit considérer comme net et contrasté pour un certain prix de revient ... Les clients fortunés, daltoniens ou affligés de strabisme, font monter les enchères et des physiciens de haute volée leur concoctent des optiques somptueuses, mécaniquement irréprochables et dont le rendu pète le feu... Bien qu'ils ne soient pas philosophes, les industriels font de la prose sans le savoir et chacun sait que les optiques des uns ne révèlent pas le monde comme le verre poli des autres... Les écoles françaises et allemandes ont eu leurs générations de sorciers, puis les japonais firent presque aussi bien pour trois fois moins cher... Mais le record de l'intelligence consistait en optique à faire ce que font les meilleurs pour d'autres clients que les maharadjahs, les rois du pétrole ou les souverains en exil... Ainsi naquirent en Russie et Allemagne de l'est des cailloux robustes comme des kalachnikov, précis, liants et fermes dans les couleurs, les contrastes et les détails... qui varient entre 20 et 150 € sur le marché du web, aussi efficaces que les colliers de perles qui garnissent le cou des photographes mondains....Ces "Industar", "Pentacon", "Mir", "Hélios" et autres babioles ont en plus le mérite d'exceller sur les capteurs numériques, car ils sont peu garnis de couches anti ceci ou cela... Ils se contentent de para-soleils ou de photographes peu obsédés par les contre-jours...
Où l'on voit que le paysage fait rarement la photo et que l'optique fait le paysage, combinée aux névroses, obsessions, délires ou curiosités de celui qui déclenche. Pour ce motif un certain rythme, une certaine organisation des masses, quelques manies, calculs et quelques attentions en Physique  nous rapprochent de nous mêmes et de nos pouvoirs avec la complicité d'accessoires que les ignorants appellent "la Nature"...






PROPOS SUR LES PAYSAGES ....




Les roseaux pensants vont dans la même direction... Aux bords du trou s'interposent les monuments, panthéons, livres révélés, oeuvres d'art, jardins, labyrinthes, bistros, bordels, ipads, vitrines... Et sont distribués les guides... Les touristes, les bons fils, les oies blanches, les grenouilles grosses comme des boeufs, l'armée des natifs de bonne volonté viennent voir ce qui se passe. Les prophètes et les vendeurs distribuent des lointains à ces voyageurs. Ils voient sur des prospectus qu'au-dessus de leurs têtes passent les signes du zodiaque. Un peu plus haut les anges et les saints chargent leurs semaines de musiques et d'actions de grâce, plus haut s'ouvrent les paradis où banquets, coïts interminables, petits garçons et vierges en pagnes légers offrent les plus étonnants transports aux âmes des justes ... Plus haut.... Plus haut.... les mots et les images ne servent à rien. En bas, sous les semelles de pélerins, grouillent les démons fort semblables aux pirates sarrasins, bouilleurs d'huiles effrayantes, cuiseurs de chairs, piqueurs de reins, suceurs de sang, arracheurs de morceaux, mâcheurs de cervelles... Telles sont les bornes des croyances, les maisons du Bien et du Mal... Telles sont les écuries des créatures du Tout Puissant, abreuvées de phrases, égorgées halal ou munies des sacrements... Leur vie ne mâche pas les mots des textes sacrés, ils avalent les postillons des prêcheurs et les éclairs des sabres de la "Vérité", les mains jointes sur un prie-dieu, le cul en l'air au-dessus d'un tapis ou la tête remuante contre un mur de lamentations...

L'Orient interdit les images. Ses paradis et ses enfers restent dans les crânes, sautent par coeur de génération en génération comme les puces de chat en chat. Il suffit d'un mot de travers pour les remuer, secouer des craintes comme la neige des boules de verre, de quelques phrases pour déchaîner des anges et des diables, faire d'un privé de dessert un porteur de nitroglycérine ou de cyanure, un éboueur de péchés, l'index d'un céleste vengeur ou l'épée d'un prophète en colère... A force de tempêtes , de souffre, de bruits, d'eaux lustrales, de prières, les fusées de la Foi remplissent les têtes soumises et poussent les reins sur les pentes des vallées de larmes...






L'Occident à la grecque, porté sur les athlètes, les gladiateurs et les philosophes, rassemble des foules autour des moissons et des vendanges, cadastre sa nature, échelonne ses ambitions, glisse en toutes formes une géométrie, une pesanteur... Ses barbares laissaient vivre leurs femmes, les menaient armées à la guerre... Rome avait son mur d'Hadrien, ses forts du Rhin et du Danube...Il fallait aux légions des itinéraires, des provisions, des prostituées et des marchands syriens... Ceux d'en face bavaient sur les acqueducs et les fontaines des villes, les terres à blé des frontières, le quadrillage des voies, les casernes chauffées l'hiver... A l'Ouest les crânes s'ouvrent sur les extérieurs déversés dans les mosaïques, les fresques, les bassins à portiques où se mirent les Narcisses et les Antinoüs et où se penchent les sourires, les bouches ornées, les courbures des reins... Dans les forêts, des satyres montés comme des ânes suivent des cortèges d'ivrognes à demi dieux...







Giorgione s'intéresse aux nuages , aux cuisses, aux porteurs de hallebardes et ferme son horizon de nuages bas et d'éclairs... Car entre le ciel et l'enfer sont déclinées les aventures de l'homme, chacun sait que l'au-delà est fort court après la dernière aspiration d'un certain mélange d'oxygène et d'azote, et que les plus profondes respirations servent aux conséquents à voir au-delà du monde , c'est à dire derrière la ligne d'horizon.... Tout paysage est un arc du cercle planétaire, une frontière de soi-même et une proposition d'aller voir ailleurs ce que font les grand-mères... On ne s'y déplace pas qu'avec les pieds, on y prend la mesure des temps et des températures de la vie, on y sonde les puits de la naissance et de la mort, on y regarde passer les saisons qui jamais ne nous appartiennent, on y épouse les joyeusetés de la lumière... La Nature est une vieille idée de philosophes, elle n'a jamais existé que dans leurs têtes...Et sur le tard dans leurs culottes... Ils disent qu'elle est bonne fille et mère généreuse... Ils disent que le bleu de l'air, le vert des forêts le blanc des nuages et l'or des blés sont les cadeaux de la Providence et que des signes savants y bornent les chemins du Bonheur... Mais serait-elle si différente s'il n'y avait d'yeux que ceux des loups et des agneaux pour contempler les rosées du matin? Quels esprits se sont attribués de l'âme ? Avaient-ils peur des ombres et des vents au point que leur barbe dans les flaques eut un air d'immortalité? Nos traces dans la poussière, les brumes de nos paroles au lever du jour, nos excréments plus fréquents que nos amours et nos amitiés, nos cueillettes de champignons et nos rires mériteraient-ils un sort plus enviable que les cabrioles des libellules ?... Il suffit de vingt ans pour faire d'un palais un pigeonnier en ruines, d'une route un petit bois, d'une ville un repaire de cafards et d'une prairie une roncière où copulent des hérissons... Quand sera tournée la page de l'Homo sapiens, les océans se rempliront de chair fraîche, les chiens redeviendront des loups, les sangliers feront du lard sur les gravats des banques, des minarets et des clochers...



 



Les paysages servent-ils encore? Ceux de Giorgione ou de Poussin mettaient de l'alchimie ou de l'ordre, faisaient la part des hommes où coururent les faunes, celle des blés où bramèrent les cerfs, celle de l'esprit où régnèrent les bêtes... L'oeil exercé de l'ancien monde distribua les routes, les carrefours, bâtit les granges et répartit les arbres... Les paysages se firent à la main, les forêts débardées par des attelages, les chemins creux et les fossés entaillés à la pioche, à la bêche... Nos morts nous ont fait le décor. Quelques exaltés s'empressent de s'y mettre, pulvérisent à tout va des joyaux de la chimie... se laissent guider par satellite... cavalcadent sur des pneus géants dans les vapeurs de gazole... Et bientôt les vents nous chanteront la douce complainte des banques, nous apporteront le chaud et le froid d'une étrange Terre Promise comme s'il pleuvait des bibles et des tables de multiplication sur nos pauvres salades... Car l'objectif est de rendre ce monde confortable et ses recoins utiles.






L'aventure n'est plus derrière les montagnes , mais sur les faces cachées de la Lune et de Mars, dans les bactéries-transistorisées, les antennes greffées sous la peau, la pesée quotidienne de l'oxygène donné et reçu... Regardons encore ce qui ressemble à ce que nous fûmes, comme penchés sur la nécropole des sueurs et des larmes perdues, nos photographies seront fort utiles aux parcs d'attraction et injections d'images fraîches dans le cortex des centenaires... Nous sommes aussi glacés que les lois que nous avons découvertes, nos jardins et nos désirs sont du marbre de nos idéologies pour débiles de bonne volonté... Nous sommes en foule et en concert du matin au soir, les forêts tropicales sont civilisées en rouleaux de papier cul par des chinois pour des enfants de Dieu... Quel jardin des délices! Nos derrières torchés aux essences rares de Bornéo! ... Laissons le Bonheur dans les Préambules, dans les poubelles qui débordent, qu'il pende sur les chapelets, aux barbes des hommes pieux, dans les slips, les 4x4 et les chambres à gaz pour bananes de l'OMC... Ne promettons rien, payons-nous le luxe inouï de l'insignifiance et de la ligne d'horizon...

6.13.2013

PLANETE NEUVE ET LOINTAINE ....











Ceux (celles) qui ont la plainte facile, disent que notre monde est trop compliqué. Ils (elles) se désabusent de tout. Ainsi font les classes moyennes en déroute de culture et de savoir, inaptes aux conquêtes, amnésiques et châtrées. Ils (elles) lâchent des soupirs, posent des yeux de veaux sur leur progéniture et le spectacle terrestre. On dirait qu'ils sont pierreux de la tête et des fesses. Ces impropres à l'Histoire ne rêvent que d'étables et de frais ombrages. Peu capables d'avenir, occupés de miettes et lourds comme des tombes, ils gisent. 
On les flatte et on les prie d'en haut pour que vivent les banques et tous les bras-droits de Ploutos , dieu de l'argent : il y faut beaucoup de mathématiques, d'innombrables rumeurs , des trains de caddies, des savoirs jetables, multitude d'oiseaux rares technologiques et le concert médiatique dès la petite enfance. Résignés au Bonheur et titillés de peurs, mis en réseaux et organisés en bandes de perroquets aux couleurs des logos, les hommes et les femmes de l'Axe du Bien moulinent dans les machines à penser, ont le corps très près de l'esprit et l'âme occupée aux corps : manger, copuler, dormir, engendrer un peu, vieillir en forme, déféquer dans des porcelaines éclatantes ... Tels sont leurs virages autour du Soleil.
Rien de bien neuf chez les damnés. Mais cette immobilité entretenue à toute vitesse consomme tant d'énergie et de frottements que la Terre a trop chaud. Des cadavres sortent des congélateurs : prophètes et hommes de Dieu reprennent du service,  les livres sacrés la direction des places de marché. Les barbus terroristes de femmes ont la trique, veillent aux grains des démons, s'acharnent à la purification de ce monde trop chaud... Pourfendeurs de cochons et abatteurs  identitaires ... Le peuple élu de Dieu creuse des piscines en Palestine, on voit de plus en plus de calottes, turbans, voiles, robes noires, manquent les étoiles jaunes, les triangles roses et autres "signes" de repérage...
Jamais nous n'avons été si près de nous-même et si chanceux. Le Bien et le Mal ont déserté le Ciel et l'Enfer. Notre exigeante Raison est partie en fumée à Los Alamos, notre belle Nature est dans nos poubelles, nos "amis les animaux" finissent dans quelque chose qui ressemble à des chambres à gaz, nos chers enfants sont voué(e)s au ridicule de la consommation de masse, des mamies penchées sur les yaourts,  des pédagophiles  déodorant(e)s. L'industrie de l'Amour recrute des suceurs( euses) de bites, explorateurs(trices)de trous et répétiteurs(trices) de pénétrations neuves et tontes de gazon ... Les jours ordinaires de l'infortunée Justine gagnent les banlieues... Plus besoin d'aristocrates pour enseigner les vanités, saisir la Fortune par les cheveux, essayer de ne pas mourir... Encore très peu de temps pour ne pas se dégoûter de l'Omega de l'humanité, de son cousinage avec le Créateur... Quelques années à peine pour se retourner vers l'Alpha des fleurs, forêts et bêtes courageuses qui n'attendent ni la vie ni le salut, les suivre au printemps et à l'automne, mettre au monde et disparaître... 

Il sera trop tard pour dix milliards de retardataires et de cervelles orphelines  quand les plus savants reproduiront des roses et des hommes dans des laboratoires secrets, sur une planète neuve et lointaine... 





MAISONS CLOSES ....




...........................Virgile conduisit le poète dans un lieu déserté par les bêtes, planté d'arbres tordus. A côté d'une roche noire un pan de mur tenait encore, troué par une porte de pierre. Il y avait au-dessus de cette porte un texte à demi rongé. Dante vit descendre un escalier aux marches creusées par d'innombrables visiteurs. L'inscription disait:
" Par moi on va dans la cité dolente
Par moi on va dans l'éternelle douleur,
Par moi on va parmi la gent perdue.
Justice a mû mon sublime artisan,
Puissance divine m'a faite,
Et la haute sagesse et le premier amour.
Avant moi rien n'a jamais été crée qui ne soit éternel,
Et moi je dure éternellement.
Vous qui entrez laissez toute espérance."

Telle semblait au XIIIe siècle l'entrée de l'enfer: un escalier qui descend, un avertissement solennel pour ceux qui ne comprennent pas vite. On voyait encore dans les catéchismes du siècle de Victor Hugo,  des gravures à la Gustave Doré, avec imprimatur et bénédiction du Saint-Siège où les défunts enchaînés par des diables sur un lit de mort, piqués de lances comme l'étaient les bêtes féroces du Colisée, déboulaient dans la terreur sur des chaudrons aux vapeurs acides. Au centre d'une caverne immense une horloge  n'avait qu'une seule aiguille pointée sur "TOUJOURS". Une sarabande vertigineuse de bipèdes noirauds et sadiques livrait aux excès de douleurs des hommes et des femmes nus dont, miracle de la vertu, les sexes étaient cachés par des chevelures dénouées, des nuages, des obstacles providentiels... Au point focal de la perspective un diable plus grand et plus fort que les autres, revêtu des insignes de son empire, jouait Néron sur les remparts de la Ville incendiée...
A sept ou huit ans je me délectais de ce  grand livre à tranche dorée, plus finaud que les images de pin-up livrées dans les chewing-gums. On pouvait en somme passer sans trop de peine du Catéchisme au Marquis de Sade, les deux marchaient en parallèle pour éduquer la conscience à quelques années d'intervalle...

Les cimetières des années 1850-1914 sont remplis de petites maisons closes aux portes d'acier ou de fer, où des prie-dieu vermoulus devant des autels miniatures, parfois des photos ovales, singent l'espérance de la vie éternelle, à peine plus religieux que les banquettes en dur des bordels de Pompeï où furent moulés au plâtre les catins et les clients de service... La mort sous un Volcan, c'est quand même autre chose que les sueurs froides sous l'eau bénite, les "Miserere nobis", les cancers expiatoires des amours ancillaires et les minutes des notaires... On pardonne pourtant à ces bourgeois leur naîveté et ce retour d'enfance qui les fit jouer aux cubes dans leur cimetière. Dommage qu'ils n'aient pas construit plus large, comme les défunts du Caire dont les sépultures sont occupés par des vivants aux femmes fécondes... Leur bondieuserie étroite est artisanale et leurs tombes sont sur mesure, comme l'étaient leurs habits et leurs chaussures. 

Dans un cimetière de Mexico on a retrouvé la momie d'un médecin français des années 1860 et dans le cerceuil son costume , sa redingote, son gilet, sa montre avec sa chaîne... Dans un coin  sa sacoche... Aux pieds, de solides godillots à semelle cloutée s'étaient ouverts comme des mâchoires de crocodile, lacés serrés... En voilà un qui n'en finissait toujours pas de faire sa guerre à la peste et au choléra... originaire paraît-il de Montpellier et sans doute embarqué là-bas sur le bateau de Maximilien... De la même race que les montreurs d'ours des Pyrénées qui campaient avec les chercheurs d'or, en Californie. Ils s'arrangeaient avec la mort en se payant la conquête du monde sans pénicilline ni vaccins... Telle n'est plus l'ambiance de nos cimetières voués aux remords de masse et à de pénibles pressentiments....





6.11.2013

PARLER D'AMOUR .... RUSES DE L'HISTOIRE.





"Redites-moi des choses tendres.... Tout ce beau discours.... Mon coeur n'est pas las de l'entendre...." Ce fut une rengaine célèbre de l'Occupation. Romantisme, douceur féminine, femmes au foyer .... De l'autre côté du Rhin deux millions de prisonniers fermaient leurs yeux sur des lettres d'amour, pensaient à la France et au Maréchal....
Ce ne sont pas les menteurs qui mentent. Les peuples sont bien plus rusés que les hommes et les femmes qu'ils chargent de s'occuper des affaires. Ceux-ci portent le poids du monde sur le dos jusqu'à ce que des "hasards" de l'Histoire les poussent à la trappe. Les pauvres et les riches les voient disparaître sans grande émotion puis se chamaillent quelques temps pour se trouver de nouveaux guignols. La sarabande recommence . Les marionnettes font trois tours et s'en vont. On y ajoute de la musique, des flots de paroles et des apparitions... Aux entractes des prestidigitateurs sortent des lapins de leur chapeau et des fakirs prédisent l'avenir.
A l'époque de notre chanson les Français travaillaient aux lendemains d'une étrange manière. Ils s'occupaient de leur corps. Pendant qu'une minorité de crétins récitait par coeur les discours du héros de Verdun, qu'une minorité de sacrifiés faisait du renseignement ou du sabotage, les autres se donnaient à coeur-joie des plaisirs nouveaux. Les pères, les oncles, les maris, les frères et les fiancés qui avaient perdu leurs fusils et leurs bretelles sur les champs de bataille se trouvaient loin des yeux et des coeurs, guerriers foutus et méprisés, tout juste bons à la pitié et à l'oubli. Jamais on ne dansa autant que dans cette France sans hommes, jamais pannes d'électricité ne furent plus généreuses en amours irrégulières et copulations furtives... Les bombes, c'est bien connu, redonnent à l'espèce le goût de vivre... Tant de frénésies finirent par payer. Les naissances furent nombreuses à partir de 1942. Après 150 ans de coïts interrompus, La France débarrassée de ses "sages" conçut 200 000 franco-allemands et bien plus de franco-français... à deux ans de la fin de la guerre il naissait plus de bébés qu'en 1937 dans un pays où on avait faim, dont les jeunes hommes travaillaient en Allemagne... Libération des sexes, des corps... On se promène en short... On bronze... On swingue... les trois quarts de la jeunesse débarrassée de ses pères en faillite. Telle fut la Résistance véritable d'un peuple, fort peu communiste et gaulliste... Les puritains, les évêques, les fascistes n'en pouvant mais.
Demain, il y aura aussi des chansons. La chose publique ne passionne plus guère et les Cassandre se plaignent des individualistes qui s'en mettent plein la lampe et plein les poches. Or, pendant que les riches s'enrichissent grâce aux petits soins des juristes, banquiers et faiseurs d'opinion, les pauvres sont très occupés. D'abord ils s'empiffrent de viandes, sucres et corps gras, entassent les colorants, les conservateurs et les édulcorants... Jamais au royaume de France et de Navarre on ne vit des pauvres si gros... Ils changent aussi de couleur : aux trognes rouges et aux nez fleuris succèdent les teints basanés et les barbes noires ... Leur voix n'est plus la même et l'accent des faubourgs n'est plus ce qu'il était. Imaginons Arletty en beurette près du canal saint-Martin, Jouvet en Kadhafi ... Là n'est pas la question. Nous ne sommes ni en avant-guerre ni en drôle de guerre, mais, aussi vrai que les ouvreuses ramassaient 50 petites culottes tous les soirs au Gaumont-Palace des années quarante, nos pauvres et quelques moins pauvres se tapent du porno, de la baise à outrance et de l'expérimentation charnelle tous les jours que Dieu fait. Beaucoup labourent leurs champs sous les niqab, les burka et les boubous , encouragés par l'industrie des chairs fraîches dont les salades de pixels et de poils de cul libèrent les imaginations. Les connexions haut-débit font passer le temps des sexophiles pour pas cher. Jamais il n'y eut tant de réverbères pour tant de rencontres. Les campagnes sont aussi remuées que les villes et le dernier des ados sait trouver les infos utiles à qui veut se lancer dans la vie... Cette frénésie de visions, tripotages, léchages, secousses et sucions s'accompagne d'une fécondité presque normale en dépit des injonctions malthusiennes et des acharnements sur les foetus. Bien mieux, celles et ceux qui jusque là se cantonnaient dans la marge, lesbiennes et homosexuels, veulent des épousailles et des marmots. Les voies du Seigneur sont impénétrables... A Vichy, dans le gouffre apparent de toutes les négations, notre pays se faisait un avenir sous les ceintures en chantant "Je suis seule ce soir..." . Il se pourrait que les poubelles des banlieues flambent pour quelques regains de virilité, que la bête reprenne du poil dans les maternités et que les mots abrutis de la Liberté se débarrassent du sexe des anges et du Parkinson des politiques. L'Histoire sans surprises est celle des morts. Et que vivent les roses!...